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Le Séminaire

  • LE PREMIER SEMINAIRE DE REIMS

La bibliothèque diocésaine venant de celle des séminaristes, il nous est difficile de ne pas rappeler brièvement l’historique de ce séminaire.

Le tout premier séminaire, de Reims et de France, est l’œuvre du Cardinal de Lorraine. Nommé archevêque en 1538 de la cité rémoise, à l’âge de 14 ans seulement, il fit son entrée solennelle à Reims le 6 décembre 1546. « La vieille cité rémoise avait donc à sa tête un jeune prélat de 22 ans, issu d’une des plus nobles familles du royaume, apparenté aux rois d’Europe, l’un des théologiens les plus réputés. Un tel personnage devait fatalement occuper dans l’histoire, une place de premier plan… » (Boussinesq et Laurent)
Dès lors, au milieu des troubles causés par la Réforme, il a le souci de convertir les hérétiques, non par la violence, mais en leur apportant une nourriture intellectuelle : il obtient ainsi l’autorisation du pape d’ouvrir une université à Reims et organise la contre réformation rémoise.
Son influence dans les milieux ecclésiastiques ne cesse de croître et c’est ainsi qu’il participe à la dernière phase du Concile de Trente en 1562-1563 et pèse de tout son poids pour la réforme du clergé.

Le Cardinal Charles de Lorraine, archevêque de Reims de 1538 à 1574

_ Le 15 juillet 1563, les évêques conciliaires décrètent l’institution des séminaires diocésains pour la formation des futurs prêtres. 2 mois plus tard, le cardinal de Lorraine obtient du pape Pie IV la bulle pontificale portant approbation du futur séminaire de la cité des sacres. (parchemin en date du 24 décembre 1563 conservé aux archives départementales de la Marne).
Dès son retour à Reims en 1564, le cardinal met tout en œuvre pour ouvrir un séminaire d’abord dans une maison provisoire, puis en réalise sa construction, achevée en 1567, dans le quartier du Barbâtre. Ainsi était né le premier séminaire de Reims et de France.
Cette fondation appliquait scupuleusement le décret du concile, à la fois dans la lettre et l’esprit :
« On apprendra aux séminaristes la grammaire, le chant, le comput (calendrier ecclésiastique), les arts libéraux, la Sainte Ecriture, les livres ecclésiastiques, les homélies des saints, les règles de l’administration des sacrements, surtout en vue des confessions à attendre, la forme des rites et des sacrements. » (Jean leflon).
Admis à treize ou quatorze ans, les jeunes gens devaient posséder : « les premiers rudiments des lettres … et se présenter dans l’esprit de servir l’Eglise. Répartis en trois sections –grammairiens, philosophes, théologiens – ils étaient conduits jusqu’aux ordinations » (Chanoine Hannesse).
Nous ne savons pas exactement si ce premier séminaire de Reims possédait une collection de livres, mais c’est probable.
A la mort du cardinal Charles de lorraine en 1574, c’est Louis II de Guise, son neveu, qui lui succéda avant de devenir cardinal de Lorraine en 1578.
Grâce au témoignage du bénédiction Dom Marlot, docteur en théologie, nous en savons un peu plus sur la bibliothèque du séminaire, installé dans une nouvelle maison neuve près du collège des Bons Enfants en 1587 : « assortie de chambres commodes, de meubles et d’une assez curieuse bibliothèque où j’ay veu quantité de manuscrits et des bons livres de controverse ; si bien, que le séminaire, en l’estat qu’il est aujourd’huy, doit son premier establissement aux très illustres Charles et Louis de Lorraine… »

  • LE DEUXIEME SEMINAIRE DE REIMS

Après la mort par assassinat de Louis de Lorraine, les successeurs à la tête de l’archevêché ne firent rien de particulièrement remarquable pour le séminaire ni pour l’administration du diocèse.
Il faut attendre 1671 pour voir arriver sur le siège archiépiscopal de Reims un grand dignitaire ecclésiastique, Charles-Maurice Le Tellier qui s’occupa tout particulièrement de l’administration spirituelle de son diocèse et veilla à lui procurer un clergé dont la vie fût studieuse et édifiante.

Mgr Charles-Maurice Le Tellier, archevêque à Reims de 1671 à 1710

« Elevé au milieu du mouvement intellectuel du XVII° siècle, témoin des efforts que L’Eglise et les ordres religieux multipliaient pour étendre la science et la vérité, Maurice Le Tellier comprit vite que le zèle pour les fortes études était l’un de ses premiers devoirs, et une source d’honneur pour son administration épiscopale. Il avait d’ailleurs, personnellement, un goût sincère pour les lettres et les sciences, et se sentait incliné à en accepter sérieusement le patronage. » (Abbé J. Gillet)
Devant la triste situation dans laquelle se trouvaient ses paroisses (nombre de prêtres insuffisant, instruction limitée) et un séminaire qui était plus un « Petit Séminaire » se consacrant principalement à la première éducation des jeunes gens, Mgr Le Tellier décida d’ouvrir un « Grand Séminaire » à Reims sur le modèle des Grands Séminaires inaugurés à Paris par St Vincent de Paul et l’abbé Jean-Jacques Olier fondateur de la compagnie de Saint-Sulpice. Cette institution pourrait ainsi relever l’instruction et la formation aussi bien de ses futurs jeunes clercs que des anciens.
Avec l’accord du roi Louis XIV par lettres patentes de juin 1676, Mgr Le Tellier fit construire un nouveau bâtiment près du collège de l’Université pour abriter le « Grand Séminaire » et décida d’y transférer le « Petit Séminaire », mal administré et en mauvais état, sous l’autorité d’un même supérieur. Nous savons que, par manque de surveillance, la bibliothèque avait été dilapidée (Ch. Hannesse). La direction en revint aux lazaristes, puis en 1702 aux Genovéfains.
Ainsi le Grand Séminaire de Reims donnait une solide formation intellectuelle, spirituelle et morale à tous les jeunes gens qui entraient en son sein.
Les documents ne disent rien sur la bibliothèque de ce Grand Séminaire. Il est cependant probable qu’une telle maison d’études ait eu une bonne collection de livres. Mgr Le Tellier avait un grand amour pour les livres et sa propre bibliothèque comportait des écrits rares et précieux pris dans les meilleures éditions. Malheureusement pour le grand séminaire, Mgr Le Tellier à la fin de sa vie fit don de la majeure partie de ses livres à la bibliothèque royale et à l’abbaye de Sainte-Geneviève. Quelques volumes donnés au Chapitre de Reims sont à présent conservés dans la bibliothèque municipale.
Mgr Le Tellier mourut le 22 février 1710, laissant dans son diocèse une œuvre considérable. Non seulement il avait réorganisé le séminaire de Reims sur de nouvelles bases solides, mais il avait également multiplié les institutions catholiques : école, couvents… notamment à Sedan avec un séminaire de clercs.

  • LE GRAND SEMINAIRE AU XVIII° SIECLE
Bibliothèque de l’ancien collège des jésuites à Reims

_ L’épiscopat de Mgr de Mailly (1710-1721) et celui de Mgr de Rohan dans ses premières années (1722-1763) furent marqués par le conflit janséniste : les documents qui portent sur cette époque sont rares et incomplets.
Un autre conflit fut celui des Jésuites en procès avec l’université qui aboutit à leur expulsion de la ville et à la liquidation de leurs biens en 1763, dont leur bibliothèque de 18 000 livres : un certain nombre revint à la bibliothèque du Grand Séminaire de Reims.
Depuis sa création, le Grand séminaire de Reims était le centre exclusif de formation du clergé paroissial. Le nombre de séminaristes et ordinations n’avaient cessé de croître jusque vers 1777. Puis les effectifs diminuèrent pour des raisons multiples. En 1787, la congrégation des Sulpiciens remplaça les Génovéfains.
Le clergé rémois allait traverser de nouvelles difficultés avec la haine populaire grandissante contre la noblesse, la bourgeoisie et notamment l’Eglise. L’archevêque de Reims était le Seigneur le plus considérable de la ville et de nombreuses seigneuries, toutes ecclésiastiques, encadraient donc la ville.
« L’esprit de révolte s’affirma et grandit d’année en année, et comme il n’y avait pas dans la ville de noblesse laïque, que tous les seigneurs féodaux, l’archevêque en tête, étaient ecclésiastiques, que les couvents accaparaient tous les terrains, qui n’étaient point des fiefs, la révolte populaire devait s’exercer et contre les riches négociants et contre le clergé. » (G. Laurent).
Puis arriva la révolution, la disparition des justices seigneuriales et royales, la confiscation des biens d’Eglise…Le Séminaire de Reims dut dresser l’inventaire de ses biens, et parmi eux celui de la bibliothèque. Un libraire dut faire la liste de tous les ouvrages : il s’avère que la bibliothèque du Grand Séminaire comptait en 1791 près de 3000 volumes.
Le bâtiment du séminaire échappa aux démolitions, ayant sans doute servi de caserne.
« La Constitution civile du Clergé » fut votée, les prêtres étaient désormais des fonctionnaires de l’Etat, chaque département formait un seul diocèse ou évêché. La ville de Reims devenait le siège de l’évêché de la Marne. L’archevêque de Talleyrand-Périgord émigra et ce fut le curé de Vendresse qui fut élu évêque de la Marne.

  • LE GRAND SEMINAIRE DE REIMS AU XIX° SIECLE
Mgr Jean-Charles de Coucy, archevêque à Reims de 1817 à 1824

_ Le coup d’état du 18 brumaire an VIII, le 9 novembre 1799, renversa le Directoire et permit à Bonaparte de s’installer au pouvoir. Il se proposa de rétablir la paix religieuse et en 1801 fut signé avec le pape Pie VII un concordat. Puis ce fut la restauration avec Louis XVIII et le rétablissement du siège archiépiscopal de la cité des sacres en 1817 avec l’arrivée de Jean-Charles de Coucy comme nouveau prélat de Reims en 1821.
Le Grand séminaire se réorganisa. En 1820 il occupa l’ancienne abbaye de Saint-Remi pour 2 ans avant de s’installer dans l’ancienne abbaye des chanoines réguliers de Saint-Denis. Malheureusement les documents sur le Grand séminaire et sa bibliothèque relatant les dernières années du XIX° siècle, sont vraiment peu nombreux.

  • LE GRAND SEMINAIRE DE REIMS AU XX° SIECLE

Le 9 décembre 1905 fut votée la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Le 17 décembre 1906, les séminaristes de Reims furent expulsés de l’ancienne abbaye de Saint-Denis. Le Grand séminaire s’installa provisoirement rue de l’Université au monastère de la Congrégation de Notre-Dame, libre depuis l’exil des communautés.
La première guerre mondiale vint à nouveau bouleverser la vie du Grand Séminaire ou plutôt les jeunes séminaristes mobilisables. Dès septembre 1914, la cathédrale et l’ancien monastère de la congrégation de Notre Dame subirent les bombardements de l’armée allemande.
Quant à la bibliothèque du Grand Séminaire ? Il existe deux versions sur ce qui advint alors de la bibliothèque du Grand Séminaire. Georges Boussinesq et Gustave Laurent affirment que les bibliothèques de l’archevêché et du séminaire transférées au dépôt municipal dès 1911 ont brûlé. Par contre le Père Adam, supérieur du Grand Séminaire dans les années 60, affirme que la bibliothèque a été sauvée. Certains témoins attestent que le supérieur de l’époque, Mgr Paulot, réussit à obtenir des camions de l’armée pour évacuer les livres jusqu’à la gare, qui furent ensuite transportés jusqu’à Angers avant de revenir à la fin de la guerre.
Certains ouvrages ont sans doute souffert et même disparu dans des déménagements successifs, faits en catastrophe. Toutefois, un bon nombre de livres purent être épargnés comme, par exemple, toute la « patrologie latine et grecque » de l’abbé Jacques Paul Migne.

Cardinal Louis-Joseph Luçon archevêque à Reims de 1906 à 1930

_ Après la guerre, le Grand Séminaire occupa provisoirement la maison de retraite des Frères des Ecoles chrétiennes.
Vers 1920, la bibliothèque s’enrichit de nombreux ouvrages venant en partie des prêtres morts à la guerre et d’une importante quantité de livres achetés et offerts par la bibliothèque de Louvain qui disposait de capitaux.
Mgr Luçon décida bientôt de construire un nouveau Grand Séminaire en acquérant une grande partie du terrain de l’Ecole des Arts et Métiers de St Jean-Baptiste de La Salle, rue du Barbâtre, 14 000 m2. La construction fut achevée en 1927.
Heureusement, durant la deuxième guerre mondiale, le bâtiment ne fut ni détruit ni pillé, et la bibliothèque ne subit aucun déménagement.
Après avoir été non seulement un lieu de formation pour les futurs prêtres, mais aussi un centre d’études et de réflexions doctrinales, ouvert au public désireux d’approfondir sa foi, le grand Séminaire a vu ses effectifs diminuer sérieusement dès les années 60 et a dû fermer en 2006 par manque de vocations. Les quelques séminariste du diocèse sont dirigés vers d’autres Grands Séminaires.
Etant donné le nombre très réduit de séminaristes dans les dernières années et donc d’une fermeture probable du Grand Séminaire, l’archevêché avait décidé de faire des bâtiments du séminaire une maison diocésaine et d’y exécuter dès les années 90 les travaux nécessaires pour répondre à sa nouvelle orientation. C’est ainsi qu’est née la Maison Diocésaine St Sixte avec à sa tête un directeur laïc.
Dans cette période, la bibliothèque a déménagé une nouvelle fois pour occuper aujourd’hui le rez-de-chaussée de l’ancienne grande chapelle des séminaristes. La bibliothèque du Grand Séminaire est donc devenue la bibliothèque diocésaine, ouverte à tous, orientée essentiellement dans les sciences religieuses. Une équipe de bénévoles est au travail pour moderniser son fonctionnement, notamment dans la saisie informatique de son catalogue, la création d’un site avec accès direct par internet au catalogue, la création d’un fonds jeunesse et « tout public », la mise en place d’un comité de lecture, la création d’une association de soutien (l’Association Flodoard) avec une publication mensuelle « Flodoard ». Il existe à côté des sciences religieuses d’autres fonds en philosophie, histoire, littérature, art religieux et régional ainsi qu’un fonds ancien de 3000 ouvrages.
La bibliothèque compte environ 70 000 ouvrages et 200 titres de périodiques dont 45 abonnements en cours.
J-M. Pinsson